XIII ENCUENTRO INTERNACIONAL DE ESCRITORAS
-MARRUECOS 2018- EN HONOR A FÁTIMA MERNISSI
- Tetuán: 25 al 28 de octubre, 2018
- Rabat: 29 de octubre, 2018
- Nombre: Leonor MERINO GARCÍA
- País de procedencia: España (Madrid)
Fatima Mernissi:
un brocart
de fils son oeuvre
autobiographie, art, histoire, critique
sociale
Bismillah ar-Rahman ar-Rahim
بسم الله
الرحمن الرحيم
À la tombée
de la nuit du lundi 30 novembre 2015 – mon esprit encore envahi par le Festival
de Poésie sur les « Poètes Palestiniens » dont j’avais eu l’honneur de les
donner à connaître et de réciter leurs poèmes pour la première fois au public
madrilène –, je reçois un coup de téléphone d’une collègue avec laquelle
j’avais été au Colloque International de l’Université d’Été à El Jadida. En
décrochant le téléphone, je remarque sa voix avec un fond amer : “Mernissi
est morte à Rabat”.
Peu après,
le plus important journal espagnol, EL
PAÍS, reçoit mon article demandé – publié immédiatement sur sa page
internet et puis sur papier[1].
elpais.com › Cultura )
Attristée
encore de sa perte inesprée et inéluctable, j’offre une conférence à l’«
Instituto Egipcio de Estudios Islámicos » de Madrid[2]
et à d’autres Centres Culturels de cette même ville.
Fatima – c’est à toi à qui
je m’adresse – : mes souvenirs avec toi débordent ma mémoire. Combien de fois
mon écriture, mes articles et mes ouvrages t’ont entourée, de même que j’ai été
témoin de ta lucidité dans des congrés ou dans des débats partagés : la trace
narrative de ta voix sensuelle ! Ta grâce et ton élégance bien andalouses
viennent à ma rencontre : c’est ton image métisse, démesurée, mouvante.
Nous
sommes – maintenant – coude à coude à « El Ateneo » de Madrid en 1990, tu es
habillée avec des couleurs bariolées et harmonieuses: ta blouse inspirée de
dessins marocains classiques (telle l’oeuvre Du signe à l’image. Le tapis marocain de notre regretté ami commun
Abdelkébir Khatibi[3] qui avive mes vers pour
vous deux : “El viento engarzado en el arpa / el verso en el tapiz”[4])
; ton poignet orné de beaux bracelets et tu portes tes grands boucles
d’oreille en forme d’aiguilles tintenant comme la pluie argentée.
Pleine d’humour, habile, perspicace. Ta joie de vivre, ta capacité de te surprendre devant ces petites démangeaisons presque quotidiennes, ces ennuis de la vie sociale.
Pleine d’humour, habile, perspicace. Ta joie de vivre, ta capacité de te surprendre devant ces petites démangeaisons presque quotidiennes, ces ennuis de la vie sociale.
Tu joues à te déguisser avec un vibrant fichu, tout en cachant
un oeil, ramassant avec adresse ton cheveux abondant, te couvrant une
épaule..., avec une intensité décontenancée dans ta façon de rire, de raconter.
Ton langage corporel me parle – parle des femmes – et ma
vive sensibilité assiste à une scène théâtrale, privée, particulière où tu es
en train de nous raconter : on est comme ça, nous
nous cachons, je voile mon oeil, ma bouche ; je ne me soucie pas si
on ne me connaît pas, c’est suffisant avec mes écrits ; nous rions, nous
savons pénétrer dans les pensées de l’homme, nous sommes puissantes.
Oui,
Fatima, je sais, ta biographie est partout, puisque c’est toi qui la rédiges
dans tes essais et la racontes dans tes nombreux entretiens avec les médias.
Ta mère
illetrée te met au monde à Fès en 1940. Tu es déjà emmitouflée, gâtée par ta
famille de la haute bourgeoisie et cette ville millénaire imprègne ton esprit à
toujours ainsi que le harem domestique où tu es en train de grandir : cet
entourage deviendra l’axe de ton écriture !
À la fin de
la 2ème G. M., tu es inscrite dans une des écoles privées du Maroc et après l’obtention
d’une bourse, tu poursuis tes études à l’Université de la Sorbonne où tu reçois
une licence en Sociologie. En suite, ta formation aux États Unis afin d’être
reçue docteur en Sciences Sociales. À ton retour au Maroc, tu es professeur à
l’Institut Universitaire de la Recherche Scientifique relevant de l’Université
Mohamed V de Rabat.
Te voici
donc une spécialiste sur l’étude de la femme des sociétés musulmanes et une
consultante engagée de l’UNESCO.
En 2013, tu
es au « Teatro Campoamor » de Oviedo, une ville historique du Nord de
mon pays : bras dessus, bras dessous avec Susan Sontag, vous souriez tenant
dans vos mains les rouleaux du Prix partagé, “Príncipe de Asturias de las Letras”, attachés par un ruban avec les
couleurs de mon drapeau espagnol.
Lors de cette
remise, c’est en ton honneur que je rédige des articles pour le journal de la « Communauté
Autonome de León »[5]
et aussi pour une importante revue littéraire sur l’actualité culturelle de l’«
Instituto Egipcio de Estudios Islámicos de Madrid » : “El hombre progresista
debe reivindicar su feminidad y más vale escribir que hacerse un lifting”[6].
Mais ne le
sais-tu pas encore ? Après trois années, où tu n’es plus parmi nous, une
chaire est à ton nom par l’initiative de ton université et du « Business School
».
Tu as bien
réussi, “tant [ta] mère était soucieuse de [te] voir échapper à la tradition.
[...] la tête haute sur la planète d’Allah en regardant les étoiles” (Rêves de femmes. Une enfance au harem).
Une sentence que tu répètes partout : “Si tu as un problème, alors lève la
tête, regarde les étoiles et bouge ! ”
Voilà
comment le sortilège de ciseler des mots porte le rêve maternel d’une
vie palpitante pour toi, ainsi qu’il élargit ton rêve de rendre les frontières
inutiles.
Cependant, le saut
entre deux cultures a dû jadis te coûter toute l’élasticité, tout
l’éclaircissement de ton âme d’écrivain.
Cet élan
aide afin que tu deviennes l’une des voix les plus éloquentes du féminisme islamique
et une autorité mondiale dans des études coraniques.
En conséquence, ta
connaissance de la culture islamique depuis ses entrailles et ton éducation
occidentale permettent d’expliquer leurs sens les plus profonds, afin de
dénoncer leurs excès et nous faisant aussi participer à leurs vertus.
Tu nous dis que
l'important c'est de dépasser les blocages qui empêchent et étouffent le désir
de parler, car toute initiative privée est bid’a[7]
(innovation) face au nif (l’honneur), et que l’imaginaire ne doit pas
être bridé par des huddûd (limites), car “la frontière est une ligne
imaginaire dans la tête des guerriers”.
Une fois donc notre
libération conquise et la création personnelle assumée (comme accès à la vérité
de l’écriture et à la création), il faut valoriser le combat de la femme se
libérant des traditions surannées, démasquant les situations, luttant, contre
l’inertie et l’entropie de tout un système, à travers des écrits ou des
personnages littéraires.
En même temps, il
faut donner à la femme de la promotion (les éditeurs marocains peuvent y
réaliser un remarquable effort et je me souviens de Retnani) et il faut aussi
déplorer la marginalisation de quelques oeuvres et “corriger” même l’histoire
de la littérature.
L'écriture étant ce
combat des moments heureux ou douloureux à pouvoir exprimer pour de larges
publics.
Et voici le
ravissement : des mots chevauchent déjà tes rêveries, nos rêveries. Voilà
pourquoi ton oeuvre – éloignée des stéréotypes et de la manipulation politique –
est une référence intellectuelle pour comprendre le monde arabo-musulman et
l’un des piliers de la littérature contemporaine.
J’y trouve la défense des
femmes, basée sur un concept humaniste, dont nous devons assumer notre propre
rôle dans chaqu’une de nos sociétés luttant avec et par la parole, avec l’étude
et la formation, qui représentent les armes principales de l’égalité et de la
révolution.
Puisque l’inégalité du savoir est implacable : l’une
des sources principales de la tyrannie.
Tu sais bien que Zakya Daoud – dans son essai Féminisme et politique au Maghreb[8] –, nous dit que l'essentiel dans la lutte de la femme,
c’est qu’il faut obtenir l’égalité à travers notre propre conscience sur cette
égalité. Â côté de toi, je désire aller un peu plus loin vers notre pulsion :
c’est-à-dire avoir la conscience de la nécessité d'écrire.
C’est pourquoi je
me souviens encore de ta pensée marquée au coin de l’ironie qui se rapporte à
la “fantaisie de l’imagination [ou] du style d’un écrivain[9]”.
Cette oscillation vertigineuse en s’inscrivant dans le lieu supérieur du
questionnement (ironie). Voici tes mots :
“J'espère
que nous, les femmes, n'aurons pas à attendre jusqu'en 2093 pour que nos
leaders oublient leur imagination des femmes soumises. L'été dernier, en
pensant à tout cela, je me suis rappellée une annonce connue sur le
combustible : Mets un tigre à ton
moteur ! J'ai pensé que les femmes musulmanes devraient lancer une grande
campagne publicitaire mise au point à nos leaders, pour assommer leurs cervaux
avec ce slogan : Mets une femme forte
dans ta vie !”
Nous savons,
Fatima, que l’ironie narrative ou discursive suture le texte ou la parole en
tissant des rapports : d’abord, entre les voix différentes dont elle se
fait l’écho adhérant ou parodique, mais aussi en gommant les frontières entre
récit et dialogue[10].
De même que ton compatriote, le grand
narrateur Driss Chraïbi, vous deux puisez aux sources du peuple, celles qui
vous offrent la dialectique et l’humour dans vos oeuvres, afin que l’ironie
apparaisse sous une forme hybride, puisqu’elle côtoie l’humour et se confond
parfois avec lui.
En conséquence, si l’ironie
satirique (dérision comme contre-pouvoir et un procédé reconnu de la satire)
vise les tyrans qui gouvernent le peuple et l’écrasent, l’humour aiguillonne le
peuple, sous une certaine façon de “blaguer” qui n’est pas innocente : “Nous dépeignons
cet ennemi sous des traits mesquins, vils, méprisables, comiques, et grâce à ce
détour, nous savourons sa défaite que nous confirme le rire du tiers”[11].
C’est ainsi que dans Le Harem et l’Occident, sur une tonalité
de badinage assaisonnée d’une pincée d’ironie, on apprend que les arabes
craignant que leurs femmes s’envolent, ils les enferment et aussi que dès
l’échauguette de notre monde aisé – aïe –, les pouvoirs des médias et les pouvoirs
monétaires maîtrisent les femmes à travers la publicité afin d’être minces,
belles et jeunes à jamais – autrement dit le mépris envers celles qui
vieillissent –. Voici donc notre propre harem : “la tyrannie de la taille 38” .
Alors, tandis que dans l’autre
culture, l’homme utilise l’espace afin d’établir la domination masculine
essayant d’exclure la femme de l’arène publique, dans notre culture l’homme
contrôle l’espace – un corps maigre – afin de luire la femme, non moins
prisonnière d’autres paramètres culturels : “d’abord elle existe pour
et par le regard des autres”.
Le brocart de cet ouvrage est
façonné par l’ourdissage des fils différents : la vision de l’harem –
espace interdit et protégé en langue arabe –, le tissu oral, les miniatures ornementales
des livres – la principale production picturale de l’art islamique –, le
treillis des manifestations artistiques, la littérature (Poe), le ballet et la
peinture “exotique”, afin de nous montrer que la représentation occidentale de
l’harem ne correspond pas à son signification – une prison frustrante – ni non
plus à l’historicité, puisque tandis que Henri Matisse peigne ses odalisques
turques[12],
Kémal Atatürk – leader nationaliste et le “Père des Turcs” – promulgue des lois
dans son pays qui offrent à la femme le droit à l’éducation et au vote.
C’est une leçon aussi à travers la
création artistique, afin de souligner les fantasmes masculins sur les femmes
puisque, tout en suivant placidement cette lecture, nous nous étonnerons
sachant que, pendant les années quatre-vingt-dix, le pourcentage de femmes inscrites
aux Facultés de Génie Civil en Egypte, en Turquie ou en Syrie, doublait celui
du Royaume Uni, de l’Hollande ou du Canada.
Fatima,
tu démontes aussi les fantasmes occidentaux signés par la peinture orientaliste
qui a créé un harem à l’européenne : “l’odalisque passive inconnue dans
l’histoire musulmane” : Êtes-vous vacciné
contre le harem ?
Tu
puises dans les historiens musulmans, Ibn Saad ou Tabari, pour affirmer que ces
femmes étaient cultivées, jalouses et combattantes, astucieuses et puissantes.
Tu
nous dis que pour les musulmans c’est l’“intelligence incontrôlable”.
De ces deux
représentations se dégagent deux visions de la femme, l’érotisme et les
relations entre les deux sexes dans le monde musulman et chrétien.
Ah, oui, ça fait
longtemps que je connais tes textes depuis ton essai, qui sera la matrice de
ton oeuvre à venir, Sexe idéologie islam – traduit de l'américain par Diane Brower et
Anne-Marie Pelletier – qui allie des ébauches théoriques, des conversations et
des études sur le terrain et sur l’analyse des relations entre l’homme et la
femme, la sexualité, les liens familiaux, la ségrégation territoriale,
l’idéologie islamique traditionnelle face aux commotions socio-économiques modernes
et devant les contradictions douloureuses qui peuvent en ressortir.
Cependant, je me vois – jadis – tenant entre mes
mains le premier texte qui m’a heureusement menée à ton écriture : le
conte Qui l’emporte la femme ? ou
l’homme ?, narré par Lal-la Laaziza Tazi.
Si le mythe explique le conte exprime : il essaie d’illustrer cette
lutte séculaire et sans merci entre les sexes dans la culture populaire
marocaine où la femme a toujours fait les frais à son corps défendant.
Et toi de dire : “Dans la culture populaire (notamment le conte oral), la
relation entre la raison (‘aql) et la
déraison, la violence, le déchaînement des passions (ach-chahaouat) est inverse du rapport entre les sexes, tel qu’il
est officialisé dans la culture dominante – la culture masculine, la culture du
sacré, celle de l’écriture et de la loi (au Maroc), où la femme est la déraison
(fitnah) et l’homme le dépositaire de
la raison et de l’ordre, etc. […]. La guerre des sexes est déclarée !”
Et je lis, relis, La femme dans l’inconscient musulman,
texte signé par Fatna Aït Sabbah : ton
pseudonyme afin de te sauver des menaces supposées qui pouvaient mettre en
péril ta liberté d’expression au futur, ou bien ton intégrité physique au
présent d’alors.
Ah, oui, il a provoqué tout un scandale car, en alliant l’analyse
sociologique et la science des textes, il plonge dans l’histoire des
représentations, comprises comme les plus oscures et “inconscientes”. Il explore l’image de la femme dans le discours ortodoxe :
subalterne, tentatrice.
Mais, il dévoile aussi un aspect inconnu de la littérature musulmane :
un discours érotique religieux qui révèle une femme “omnisexuelle”.
Toi, tu nous invites à nous poser une question, à soulever l’interrogant de
savoir ce qui arrive lorsque ce discours entre en contact avec la modernité et
les démentis factuels que le discours orthodoxe inflige.
Et tu ne te retournes pas sur le passé avec un regard affectif, mais avec
une pulsion émotionnelle : le Prophète Mohamed – Dieu a prié pour
lui et l'a salué : salla allahou
alyhi wa salam –
devient le protagoniste[13],
dans Le harem politique. Le
Prophète et les femmes, pour être un
défenseur de la dignité de la femme et pour l’ouvrir les portes des mosquées,
dans les mêmes conditions que l’homme.
Courageuse, tu
attribues la responsabilité des hadiths
mysogynes à certains compagnons du Prophète : Abu Bakra[14]
et Abu Huraïra.
C’est la femme
préférée du Prophète, Aïcha, qui conteste elle-même de nombreux hadiths de
Huraïra : “Il n’est pas doué pour l’écoute et lorsqu’il est sollicité, il
donne de mauvaises réponses”.
Maintenant, te voilà
parcourant Le Maroc raconté par ses
femmes. Dans tes entretiens avec toute sorte de femmes, tu dis :
“essayer de faire s’exprimer la femme illettrée c’est donner la parole à ce
moi-même qui aurait pu être voué au silence ancestral”[15].
Ces femmes
revendiquent l’égalité avec l’homme comme le fondement nécessaire d’une société
démocratique. En conséquence :
“L’alphabétisation
des femmes marocaines maghrébines est déjà un procès en marche et aussi la clé
afin de conquérir l’égalité des aspirations et des droits : les femmes
prolétaires du Maroc sont plus avancées que les intellectuelles et les
universitaires comme moi, en ce sens qu'elles ont une idée plus égalitaire des
sexes”.
Alors, l’histoire des femmes arabes est celle des citoyennes en entier,
participant aussi activement de la vie sociale et politique de leurs pays,
revendiquant les droits de la femme, comme les égyptiennes Aïcha Taymour,
Huda Sha’raoui, la libanaise Zaynab Fawwaz ou bien les marocaines AsmaLamrabet,
Nadia Yassine, Naamane Guessous.
Mesdames,
Messieurs, chers collègues, Fatima Mernissi a aimé le Maroc qui l’a inspirée.
Elle a bien connu la réalité de son pays qui assiste à une demande très forte
de l’identité de ses femmes.
Au passé,
avec des Sultanes oubliées et vient à
ma mémoire Loin de Médine. Filles
d’Ismaël d’Assia Djebar qui, comme Mernissi, a levé le voile de ces femmes
inconnues par l’histoire moderne, des femmes de haute naissance et parfois des
esclaves (yariya) qui ont réussi à s’emparer du pouvoir.
Et dans
l’actualité et comment, avec Chahrazad n'est pas marocaine. Autrement, elle
serait salariée !, à la recherche d’une titularisation et d’un
salaire qui garantissent l’égalité avec l’homme sur le plan affectif et aussi économique
Une aspiration à laquelle les marocaines s’y consacrent complètement,
accédant à l’université et participant avec leurs travaux dans son pays qui
avance vers la modernité, en technologie et socialement, mais sans oublier ses
propres paramètres socio-culturels.
Puisque si
elles ont été autrefois éloignées de l’espace public, leurs revendications sont
présentes dans tous les champs du savoir dont l’intelligence est nécessaire,
tout en employant – à plusieurs reprises – les mêmes armes de Chahrazad :
la beauté, l’esprit lucide, l’art de la parole, tout en offrant une réponse positive et belle, introduisant une notion clef de la critique littéraire actuelle: celle du lecteur ennemi nécessaire, afin de sauver la propre vie, afin de justifier sa fonction d'écrivaine, pour passer de la haine à l'amour, pour communiquer, transmettre.
De nos
jours, les marocaines étudient dans des universités de son pays à la différence
de l’ancienne élite qui poursuivait ses études ailleurs, en France, aux États
Unis.
Mernissi
toujours pionnière, pas seulement au niveau intellectuel, mais aussi en tant
qu’activiste, elle n’a pas cessé d’organiser des ateliers d’écriture offrant la
parole à la société civile marocaine puisque, comme je disais au début de cette
communication, l’une des sources de son inspiration était d’écouter les gens
parler : la culture orale.
Voici donc
un autre thème qui l’a tenue bien au coeur : l’importance de la
communication sur internet afin que les jeunes réussissent, Les Sindbads marocains. Voyage dans le Maroc
civique, un texte fruit de ses conversations avec des filles et des
garçons. Cette énorme vitalité des jeunes ruraux du Haut Atlas et du désert de
Figuig et de Zagora, qui fait tomber les stéréotypes entre le rural et
l’urbain.
De la même
manière la technologie digitale, dans le monde arabe, peut signifier la fin du
contrôle des médias et des prérogatives absolues du pouvoir (El hilo de Penélope).
L’avenir est donc
entre les mains de la jeunesse du Maroc, de l’Algérie, de La Tunisie ou de
l’Égypte, libérés des clichés.
Il faut tenir
compte qu’on ne peut pas considérer “le monde arabe” comme un bloc
monolithique, puisqu’il y a beaucoup de particularismes parmi les pays
différents qui le conforment.
Pour finir, je
désire aussi signaler que le “paysage islamique” du monde est pluriel, dense,
riche par sa variation, par sa diverse législation et progression. Il est
constitué par un long éventail d’évolutions et de pensées : religieuses,
modérées, nationalistes, laïques, libérales, modernistes.
Dans son oeuvre,
Mernissi plaide – comme de nombreux écrivains pour ne citer que Driss Chraïbi, Ghita El-Khayat, Abdelwahab Meddeb, Malika Mokeddem – en faveur d’un Islam originel
ou les musulmans étaient libres dans leurs débats, dans l’adoption des lois et
dans leurs conduites.
Mernissi rêva d’un
monde sans “peurs” ni “frontières”, où l’étranger ne fait que multiplier les
reflets et enrichir jusqu’à l’infini ce que nous sommes.
Fatema urqudi fi
salam
Fatima repose en
Paix
J’ai toujours
pressenti une certaine tristesse dans ton for intérieur, lorsque tu racontais
les coups bas des hommes savants vers quelques-uns de tes travaux, qui ont été
bien louables et surtout engagés.
Cependant :
“les femmes ont beaucoup pleuré culturellement, mais une fois les larmes arrêtées,
à la place de larmes, ce qu’on aura abondamment c’est du rire. C’est l’éclat,
c’est l’effusion, c’est un certain humour qu’on ne s’attend jamais à trouver
chez les femmes et qui pourtant est sûrement leur force la plus grande”[16].
BIBLIOGRAPHIE
(svp : lire aussi les 15 notes en bas
de page de ce travail)
MERNISSI, F., Sexe idéologie islam (traduit de l'américain par Diane Brower et
Anne-Marie Pelletier), Paris, Tierce, 1983.
AÏT SABBAH, Fatna (pseudonyme), La femme dans
l'inconscient musulman, Paris, Le Sycomore, 1982 ; traduction : Inmaculada Jiménez Morell, Madrid, Del
Oriente y del Mediterráneo, 2000.
MERNISSI,
Fatima, Qui l’emporte la femme ? ou
l’homme ? Narré par Lal-la Laaziza Tazi; recueilli par F. MERNISSI. Coll., Kane wikoune, Rabat, 1983.
Saladi, illus.; récit populaire marocain; traduction: Inmaculada Jiménez, Aixa y el hijo del rey o ¿quién puede más el
hombre o la mujer? (Moreno, M. Ángel, ilus.), Madrid, del Oriente y del
Mediterráneo, 1990.
MERNISSI, Fatima, Le Maroc raconté
par ses femmes, SMER, Rabat, 1986 2ème éd.: traduction: Inmaculada Jiménez, Marruecos a través de sus mujeres,
Madrid, del Oriente y del Mediterráneo, 1990.
MERNISSI,
Fatima, Le harem politique. Le Prophète et
les femmes, Paris, Albin Michel, 1987. Essai ; traduction:
Inmaculada Jiménez, El harem político,
Madrid, del Oriente y del Mediterráneo, 1999.
MERNISSI, Fatima, Chahrazad n'est pas Marocaine : Autrement, elle serait
salariée!, Casablanca, Le Fennec, 1988. Essai.
MERNISSI, Fatima, Le monde n’est pas un harem. Paroles de femmes du Maroc, París,
Albin Michel, 1991. Essai.
MERNISSI,
Fatima, La peur-modernité : Conflit Islam
démocratie, Paris, Albin Michel, 1992. Essai; traduction :
Inmaculada Jiménez, El Miedo a la
modernidad. Islam y democracia, Madrid, del Oriente y del Mediterráneo,
1992. (Leonor Merino: «La mujer en el Corán (para reflexionar ante la
Biblia)», LEA, Madrid, La Escuela
Agustiniana, Colegios Universitarios de España, nº 44, 1993, pp. 35-44).
MERNISSI,
Fatima, Traduction en français Claudine Richetin (de l’anglais : Dreams of trespass. Tales of a Harem
Girlhood, 1994): Rêves de femmes: une
enfance au harem, Paris, Albin Michel, 1996. Rééd. Casablanca, Le Fennec,
1997. Et Paris, LGF/Le Livre de Poche, 1998. Traduction de l’anglais : Ángela Pérez, Sueños en el umbral. Memorias
de una niña del harén,
Barcelona, Muchnik Editores, 1995, 5ème éd., Muchnik Editores, 1999.
MERNISSI, Fatima, El poder olvidado: Las
mujeres ante un Islam en cambio,
Barcelona, Icaria, 1995.
MERNISSI,
Fatima, Sultanes oubliées, Paris, Albin
Michel, 1996. Casablanca, Le Fennec, 1996 (The
forgotten queens of Islam, 1996). Essai;
traduction de l’anglais: Aurelio Galmarini, Las sultanas olvidadas, Barcelona,
Muchnik Editores, 1997. Rééd., Muchnik Editores, 1998.
MERNISSI,
Fatima, Êtes-vous vacciné contre le harem ?
Paris, Editions Le
Fennec, 1998.
MERNISSI,
Fatima, Le Harem et l’Occident, Paris,
Albin Michel, 2001.
MERNISSI,
Fatima, Les Sindbads
marocains. Voyage dans le Maroc civique, Rabat, Marssans,
2004.
MERNISSI,
Fatima, Un libro para la paz, El Aleph
Editores, 2004
MERNISSI, Fatima, El hilo de Penépole. La
labor de las mujeres que tejen el futuro de Marruecos, Barcelona, Lumen, 2005.
[1] Leonor Merino, "Fátima Mernissi: Voz humanista en el Islam”, EL PAÍS, “Cultura”, Madrid, 2 diciembre
2015.
[2] Leonor Merino, "Fátima MERNISSI, estudio de toda su obra y
proyección de la misma”. Conferencia en el Instituto Egipcio de Estudios Islámicos,
Madrid, 14 de diciembre 2015.
[3] Leonor Merino, - "A.
Khatibi y A. Djebar renovación cultural y triunfo de la mujer", Estudios
Humanísticos (Facultad de Filología de la UNIVERSIDAD DE
LEÓN), nº 15, 1993, pp. 117-125.
- L. Merino, “Abdelkébir Khatibi : le visage de la
terre est déjà recouvert des yeux de tant de bien-aimés disparus”, EXPRESSIONS MEGHRÉBINES, Vol. 12, no
1, été 2013, pp. 121-124.
- L. Merino,
"Lao Tse y Adelkébir Khatibi, articulación intertextual de un antisistema
para crear un "ser" nuevo", Contextos (C.E.M.I.),
Facultad de Filosofía y Letras, UNIVERSIDAD DE LEÓN, nº XIII/25-26, año 1995,
pp. 207-221.
- L. Merino, “Marc Gontard lecteur
d’Abdelkébir Khatibi ou écrire en langues”. Colloque International, “Passage,
présence, aimance dans la littérature et les arts au Maroc”, Université Sidi
Mohamed Ben Abdellah. Faculté des Sciences Humaines. Fès Dhar Mahraz, 25-26
mars 2010.
- L. Merino, "Ghita EL KHAYAT
y Abdelkebir KHATIBI”. Conferencia, “Casa
Árabe”, Madrid, 10 marzo 2015.
- L. Merino,
"IN MEMORIAM Abdelkebir Khatibi, escritor y poeta marroquí", El
País (Madrid) 18 de marzo, 2009, p. 45.
[4] Leonor Merino, El Soplo de la
Vida El Polvo de la Tierra, Mayrit, Diwan, 2016, 3ª reed., espagnol-arabe.
[5] Leonor Merino, "Fátima Mernissi, Premio Príncipe de Asturias de
las Letras 2003", Diario de León, Suplemento Cultural,
"Filandón", domingo 29 de junio, 2003, pp. 3-5.
[6] Leonor Merino, "Homenaje a Don Pedro Martínez Montávez", Crónicas Azahar, Revista de actualidad
cultural del Instituto Egipcio de Estudios Islámicos (Madrid), Volumen XXXV,
2003, pp. 173-179.
[12] Étant
donné que j’aime les comparaisons littéraires, je désire souligner que dans Femmes d’Alger dans leur appartement -
un titre inspiré du fameux tableau de Delacroix avec des prisonnières résignées
dans une continuelle attente et “énigmatiques au plus haut degré” -, Assia
Djebar, comme Picasso, désire les arracher des modèles créés par le peintre
romantique français et les garantir une émancipation physique et aussi
métaphysique.
[14] Il avait dit: “Ne connaïtra jamais la prospérité le peuple qui confie
ses affaires à une femme”. Il ne faut pas confondre Abu Bakra avec Abu Bakr: le
premier calife.
[15] Dans La nouba des femmes du Mont Chenoua, le
film d’Assia Djebar, ses images filmés et la musique de Bela Bartok sont le
murmure de l’Algérie profonde et la parole des femmes rurales vers le monde
extérieur.
No hay comentarios:
Publicar un comentario
Opinar sobre ello. ¡Gracias!